
Anne Gastinel, chargée de missions ressources humaines au sein des ministères sociaux, s’est formée en 2024 au secourisme en santé mentale. Une formation pratique de deux jours, accessible à tous, qui lui a donné les clés d’une meilleure compréhension et écoute des personnes en difficulté psychique autour d’elle.Témoignage.
1. Comment avez-vous entendu parler du secourisme en santé mentale et pourquoi vous êtes-vous formée ?
J’aime apprendre, acquérir de nouvelles compétences, et la santé mentale est un sujet qui m’intéresse depuis plusieurs années. J’avais envisagé, pendant un temps, de devenir psychologue du travail. Même si cela ne s’est pas fait, je suis passée de la communication aux ressources humaines, ce qui me permet de toucher à toutes les dimensions relationnelles au cœur de l’humain. Au quotidien, une part importante de mes missions de RH de proximité consiste à recevoir des collaborateurs pour de nombreuses raisons, qu’elles soient professionnelles, sociales ou personnelles.
J’ai découvert la formation sur le secourisme en santé mentale un peu par hasard, en feuilletant les catalogues de formations de la DRH des ministères sociaux, que je consulte régulièrement. J’ai donc sauté sur l’occasion en me disant que cela ferait une compétence de plus à mon arc. Il m’a fallu attendre 2024 et une charge de travail moins importante pour suivre cette formation.
2. En quoi consiste la formation de secourisme en santé mentale ?
Cette formation de deux jours est dispensée par l’association Premiers Secours en Santé Mentale (PSSM) France. Elle s’inspire des premiers secours physiques (Gestes qui sauvent) mais intègre une logique différente. En effet, un secouriste en santé mentale peut être amené à intervenir plusieurs fois auprès d’une même personne pour pouvoir l’écouter, la rassurer et l’accompagner vers le soin, son enjeu principal.
Le programme permet de mieux repérer les troubles en santé mentale, d’avoir un comportement adapté à la personne en face de soi, d’informer sur les ressources disponibles et d’encourager à aller vers les professionnels.
En cas de crise suicidaire, la démarche est différente : appeler les secours et passer le relais. Le rôle du secouriste en santé mentale s’arrête à partir du moment où la personne est prise en charge par un professionnel.
La formation vise 4 objectifs : acquérir des savoirs sur les troubles de santé mentale, appréhender les différentes crises en santé mentale, développer les compétences relationnelles et pouvoir faire face à des comportements qui peuvent être agressifs.
Les sujets les plus abordés lors de la formation sont la crise suicidaire, la dépression, les troubles anxieux et les addictions, avec un focus sur l’alcool.
Le plan d’action suivi s’intitule AERER, un vrai mantra, à garder en tête quand on intervient : A pour approcher la personne, évaluer et assister, E pour écouter activement et sans jugement, R pour réconforter et informer, E : encourager à aller voir des professionnels et R pour renseigner sur les autres ressources disponibles. Les participants se voient également remettre un manuel des premiers secours en santé mentale qui traite de nombreux sujets pour mieux appréhender la personne et comprendre certains troubles.
J’ai particulièrement aimé l’aspect pratique de cette formation qui comporte des ateliers avec des jeux de rôle. A noter enfin qu’elle ne nécessite aucun prérequis et s’adresse à tous.
3. Vous a-t-elle été utile et avez-vous été amenée à « secourir » une personne ?
Elle m’a été très utile et je l’ai mise en pratique quelques mois après en étant sollicitée à plusieurs reprises pour intervenir auprès de collaborateurs en détresse.
La première personne que j’ai vue faisait face à une crise d’angoisse. Je l’ai accueillie, écoutée, lui ai permis de respirer et proposé de parler si elle le souhaitait, car les silences sont importants aussi dans l’écoute. C’est une expérience impressionnante, surtout au début, que de devenir subitement une « personne ressource », mais je m’en suis bien sortie !
J’ai également été appelée à deux reprises pour une crise suicidaire : l’une avec une personne ouverte à la discussion, l’autre avec quelqu’un qui ne voulait pas parler. L’important est de vérifier s’il y a une urgence vitale immédiate, auquel cas j’aurais appelé le 15 et serais restée avec la personne au téléphone. Pour le savoir, les questions sont très directes, du type : « Est-ce que tu veux mettre fin à ta vie ? ».
Je peux être amenée à intervenir dans différentes sphères, y-compris privée, ce qui est plus difficile que dans le monde professionnel où la posture de mise à distance protège…Le maître mot est : « si vous ne vous sentez pas capable émotionnellement de prendre en charge une personne en crise suicidaire, alors, ne le faîte pas ».
Après ces expériences, je me suis sentie parfois vidée, mais très utile ! L’aspect le plus gratifiant est de savoir que la personne repart avec le sentiment d’avoir été écoutée ou accompagnée.
4. Quels messages ou conseils souhaiteriez-vous faire passer en cette année de grande cause nationale ?
Cela peut paraître difficile de devenir secouriste car la santé mentale fait souvent peur, mais c’est un sujet qui nous concerne tous. Chacun(e) d’entre nous peut être confronté, à n’importe quel moment de sa vie, à une crise d’angoisse ou un trouble plus sérieux. Il ne faut pas en avoir peur et se dire qu’on a le choix d’intervenir ou non. Si c’est le cas, la formation de secourisme en santé mentale en donne les clés.
Nous avons aussi le droit de nous sentir touchés par les situations vécues et les personnes rencontrées, sans être dans l’obligation de trouver une solution à chaque problème. N’ayons pas peur car nous avons tous en nous cette capacité de pouvoir écouter, aider et accompagner.
300 000 secouristes en santé mentale formés d’ici à 2027, c’est l’ambition de l’une des mesures du Plan psychiatrie, présenté le 11 juin 2025.
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