Le 17 novembre dernier, la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et de la direction générale de la santé (DGS) ont distingué 3 jeunes docteures pour la 3ème édition 2025 de son prix de thèse intitulé « Politiques et interventions en santé publique ».

Les thématiques que le ministère souhaite valoriser par cet événement incluent notamment :

• la recherche interventionnelle (collaborative, participative, prévention, promotion de la santé)

• l’évaluation de l’efficacité et de l’impact des politiques publiques

• les sciences politiques, humaines et sociales appliquées à la santé

• l’intégration des inégalités sociales de santé comme objet ou critère d’analyse.

Le jury, co-présidé par Marie Daudé (directrice générale de l’offre de soins) et le Pr Didier Lepelletier (directeur général de la santé) a reçu cette année plus de cinquante candidatures, ce qui démontre à nouveau que cette discipline très diversifiée dans de nombreux domaines de recherche en santé reste d’intérêt pour les doctorants et les équipes universitaires qui les accueillent.

Après délibération, le jury a distingué 3 lauréates :

Morgane BRESSON 1er prix pour sa thèse obtenue à l’université de Caen-Normandie : « Quelles stratégies de prévention primaire peuvent-elles être envisagées pour prévenir les risques liés aux pesticides chez les agriculteurs, en France ? »

Alexandra ADDARIO 2ème prix pour sa thèse obtenue à l’université Jean-Monnet de Saint-Etienne : « VaccinGo, vaccination et bien-vieillir, perceptions par les séniors et préparation d’une stratégie de promotion vaccinale basée sur une approche innovante de marketing social »

Chloé MARQUES 3ème prix pour sa thèse obtenue à l’université Paris-Saclay : « Vers une évaluation exposomique de l’alimentation : investigation de l’effet global de l’alimentation en relation au risque de mortalité dans la cohorte E3N ».

Félicitations à elles !

Ces prix de thèse, premiers en France à distinguer spécifiquement de jeunes docteurs en santé publique, récompensent leurs travaux sur des questions cruciales de santé publique : en l’occurrence pour l’édition 2025, la prévention primaire pour la santé au travail des agriculteurs, la protection vaccinale des personnes âgées, la qualité de l’alimentation et l’exposome de manière générale. Les 3 prix sont respectivement dotés de 4 500 €, 3 500 € et 2 000 €.

En introduction, Didier Lepelletier a rappelé que « pouvoir naître, grandir et vieillir en bonne santé doit être un objectif partagé par tous. Pour déployer dans chaque territoire les interventions et programmes les plus efficaces, l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de santé publique doivent pouvoir s’appuyer sur les meilleures connaissances disponibles, qu’il s’agisse de prévention primaire, secondaire ou tertiaire. » Et ces 3 thèses lauréates ont été choisies pour leur grandes qualités afin « d’encourager la recherche au service de la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques de santé ou ayant un impact sur la santé ».

En conclusion, Marie Daudé a souligné que la configuration particulière de cette édition, avec une coprésidence DGOS et DGS du jury, « reflète les évolutions d’organisation depuis le 1er septembre 2025 puisque la DGOS porte désormais l’ensemble des sujet relatifs à la recherche en santé et donc cet aspect de la recherche en santé publique, tandis que la DGS suit désormais l’ensemble des sujets consacrés aux produits de santé. Cette réorganisation visait à clarifier et à renforcer la cohérence et la visibilité du ministère dans le champ de la recherche et à mieux soutenir les chercheurs comme les décideurs publics ».

Elle a terminé en insistant sur le fait que « ce prix illustre l’importance du dialogue entre chercheurs et décideurs pour faire progresser la santé publique, un engagement que nous continuerons à porter avec détermination ».

Quelles stratégies de prévention primaire peuvent-elles être envisagées pour prévenir les risques liés aux pesticides chez les agriculteurs, en France ?}}}

Parcours

Morgane BRESSON est docteure en pharmacie (Innovation Pharmaceutique et Recherche). Elle a travaillé pour sa thèse de doctorat en Santé Publique dans l’unité de recherche ANTICIPE (INSERM U1086), de l’Université de Caen Normandie, et a soutenu sa thèse le 11 décembre 2024. Aujourd’hui elle réalise, dans la continuité de ses travaux, un post-doctorat en tant que chargée de mission au Centre de Lutte Contre le Cancer Francois Baclesse (Caen, France) pour le développement et la mise en œuvre de projets de prévention des risques liés aux pesticides chez les agriculteurs, programme financé par l’Institut pour la Recherche en Santé Publique (IReSP).

Télécharger la présentation

Résumé de sa thèse

L’exposition aux pesticides augmente le risque de certains cancers, maladies neurodégénératives, troubles de la reproduction chez les agriculteurs. L’objectif de ce travail de thèse est de contribuer à la prévention primaire de ces risques en France, en adoptant une double approche systémique et individuelle, visant à améliorer la prise en compte des expositions réelles des agriculteurs et proposer des solutions adaptées.

Le premier volet de la thèse a mis en évidence que, dans tous les contextes étudiés (arboriculture, espaces verts et grandes cultures), les modèles actuels peuvent sous-estimer l’exposition des opérateurs agricoles lors des traitements, notamment en surestimant l’efficacité des équipements de protection individuelle et en omettant certains déterminants d’exposition. De même, pour les travailleurs effectuant des tâches de réentrée et de récolte, entrainant un contact avec des cultures précédemment traitées, l’exposition est sous-estimée.

Dans le second volet, un diagnostic des pratiques de prévention des agriculteurs a montré que, malgré leur connaissance des risques, ils n’adoptent pas systématiquement les mesures préventives en raison de divers obstacles, de normes sociales et auto-efficacité perçus. Une intervention de prévention multicomposante a été développée, conçue comme une alternative à la formation classique Certiphyto dont l’efficacité n’a jamais été évaluée. Elle inclut des démonstrations pratiques, un formateur pair et des processus psychosociaux d’engagement et de changement de normes sociales. Son efficacité sera évaluée par des critères objectifs (niveaux d’exposition urinaire) et auto-rapportés (comportements, perceptions psychosociales).

Ainsi ces travaux permettent une meilleure prise en compte des expositions réelles des agriculteurs et apportent des éléments concrets pour renforcer les politiques publiques de prévention des risques professionnels.

Ils alimentent les échanges avec l’Anses et l’EFSA sur l’évaluation réglementaire des expositions professionnelles aux pesticides, et permettent une collaboration avec la Mutualité Sociale Agricole et les Chambres d’Agriculture régionales sur les approches interventionnelles.

VaccinGo : Vaccination et Bien-Vieillir, perceptions par les séniors et préparation d’une stratégie de promotion vaccinale basée sur une approche innovante de Marketing Social.}}}

Parcours

Alexandra ADDARIO a obtenu un Diplôme d’État d’Infirmier à l’IFSI du CHU de Saint-Etienne en 2014. Elle a poursuivi ses études pour obtenir une Licence Science de la vie, puis un Master Santé Publique, en Bio-informatique et bio-statistiques. Après une expérience de biostatisticienne au sein de l’Institut PRESAGE de l’Université Jean-Monnet, elle a réalisé sa thèse, dans le cadre d’un financement CIFRE, au Gérontopôle AURA avec un encadrement universitaire au sein du au GIMAP UMR530 de l’Université Jean Monnet – Saint-Etienne et dans le Groupe T-RAIG, TIMC IMAG de l’Université Grenoble-Alpes. Elle a soutenu sa thèse de Doctorat de Recherche clinique, Innovation technologique et santé publique en décembre 2024. Elle est aujourd’hui membre de l’équipe de la Chaire académique Prévention, Vaccination et Contrôle de l’Infection (PréVacCI) au sein de l’Institut PRESAGE. Sur le plan hospitalier, elle est ingénieur de recherche au sein du service d’infectiologie du CHU de Saint-Etienne.

Télécharger la présentation

En savoir plus sur la thèse

En savoir plus sur le projet Gérontopôle AURA

En savoir plus sur les articles publiés

Résumé de sa thèse

En France, malgré les recommandations, la couverture vaccinale chez les personnes âgées reste insuffisante pour presque l’ensemble des vaccinations recommandées. Les maladies infectieuses représentent un fardeau majeur aux conséquences graves sur la santé globale pour les personnes âgées . Le poids financier de ces maladies infectieuses est considérable, tant pour les individus que pour le système de santé.

L’objectif principal de cette recherche était de mieux comprendre les perceptions des personnes âgées vis-à-vis de la vaccination, de leur santé et du concept de « bien-vieillir ». Cette thèse fournit des preuves pour l’amélioration de la couverture vaccinale des seniors via une intervention en marketing social, basée sur leurs motivations à bien-vieillir.

À travers une étude qualitative (14 entretiens semi-directifs) et une étude quantitative à large échelle (questionnaire diffusé à plus de 59 000 participants) en Auvergne-Rhône-Alpes, ces travaux ont mis en lumière plusieurs éléments clés :

• une méconnaissance des vaccins recommandés pour les personnes âgées et un manque de compétences pour rechercher efficacement l’information. Ceci souligne l’importance d’améliorer la littératie en vaccination, définie comme la capacité d’accéder, de comprendre, d’évaluer et d’utiliser l’information sur les vaccins pour prendre des décisions éclairées.

• les personnes âgées n’ont pas peur des infections. Leurs principales préoccupations de santé sont les AVC, la démence et l’infarctus du myocarde, qui entraînent des incapacités physiques ou cognitives. L’argument de rester en bonne santé sans incapacité physique peut donc servir de levier d’adhésion à la vaccination, comme lors de la campagne de vaccination contre la poliomyélite.

• une distinction entre les professionnels de santé : la confiance dans le conseil prodigué par le médecin généraliste est forte et moindre concernant le pharmacien puis l’infirmier quel que soit la position vaccinale. Mais les participants déclarent que les médecins abordent très peu, voire pas du tout le sujet avec eux, ce qui conduit fréquemment à une non-vaccination chez les personnes âgées. Ainsi, les décrets d’extension des compétences des infirmiers et des pharmaciens constituent une opportunité pour augmenter les couvertures vaccinales.

Plusieurs préconisations sont faites suite à ce travail :

• sensibiliser les professionnels de santé et motiver les nouveaux prescripteurs, tels que les infirmiers et les pharmaciens à l’effet cardioprotecteur de la vaccination, en particulier pour les patients à risque ;

• développer une stratégie proactive pour aller vers les populations ciblées ;

• adapter la communication aux attentes et sensibilités des populations ciblées et développer une approche axée sur le concept de bien-vieillir, plutôt que sur les risques d’infections ;

• développer des outils de communication spécifiques aux personnes âgées ;

• créer un rendez-vous annuel dédié à la vaccination, inspiré d’initiatives comme le « Mois sans tabac », pour favoriser une prise de conscience collective.

Plusieurs projets (Prévax et IDEVax) visent à poursuivre les pistes soulevées et un projet de Livre Blanc sur les fardeaux des maladies infectieuses chez le sujet âgé et les bénéfices de la vaccination sur le bien-vieillir a pour objectif d’informer les politiques sur l’importance d’agir.

Vers une évaluation exposomique de l’alimentation : investigation de l’effet global de l’alimentation en relation au risque de mortalité dans la cohorte E3N.

Parcours

Chloé Marques a fait une prépa au lycée Saint Louis, puis a été diplômée d’AgroParisTech pour poursuivre par ce travail de thèse à l’Université Paris-Saclay, dans l’équipe Inserm (CESP, équipe Exposome et Hérédité) – Villejuif, France. Elle a soutenu sa thèse le 2 juillet 2024 à l’Université Paris-Saclay, sous la direction de Dr Gianluca Severi et de Dr Francesca Romana Mancini. Elle est aujourd’hui post-doctorante dans la même équipe pour poursuivre son travail sur la cohorte E3N-Générations .

Télécharger la présentation

En savoir plus sur la thèse

Résumé de sa thèse

Son travail de thèse portait sur l’exposome alimentaire, un concept novateur en épidémiologie nutritionnelle qui cherche à étudier l’impact sur la santé de l’ensemble des expositions alimentaires tout au long de la vie d’un individu. En effet, un aliment peut contenir des nutriments essentiels pour la santé, mais également des contaminants potentiellement néfastes, par exemple des résidus de pesticides, des métaux lourds ou encore des PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées). Ces substances chimiques se retrouvent accidentellement dans les aliments lors des étapes de production, transformation ou transport, ou en raison d’une contamination environnementale (naturelle ou anthropique). Il peut aussi exister des effets cocktail.

Sa thèse s’est appuyée sur l’analyse de 72 585 femmes issues de la cohorte française E3N-Générations, ayant complété un questionnaire alimentaire en 1993 et suivies jusqu’en 2014.

Les résultats de cette thèse mettent en évidence plusieurs éléments clés pour la santé publique.

• l’acrylamide est un contaminant probablement cancérigène qui se forme lors de la préparation de certains aliments tels que les frites, le café ou le pain. Il est associé à un risque accru de mortalité, en particulier chez les fumeuses.

• une plus grande adhésion aux recommandations nutritionnelles françaises était associée à une réduction du risque de mortalité, même lorsque l’exposition alimentaire à des mélanges de contaminants était prise en compte.

Ces résultats confirment la nécessité de diffuser largement les recommandations nutritionnelles françaises et d’encourager leur suivi dans la population générale, dans une démarche de prévention et de promotion de la santé. Ils apportent un éclairage nouveau sur l’exposome alimentaire et soulignent l’importance d’une approche intégrant à la fois les expositions alimentaires aux contaminants et les nutriments dans les stratégies de prévention en santé publique.