Les substances per-ou polyfluoroalkyles (PFAS) sont une large famille de plusieurs milliers de composés chimiques. Elles présentent de nombreuses propriétés (antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs) qui ont encouragé leur fabrication puis leur utilisation dans de multiples secteurs industriels. Les PFAS sont des molécules très persistantes, largement répandues dans l’environnement, bioaccumulables et qui peuvent présenter des effets néfastes sur la santé (notamment perturbation endocrinienne, cancérogénicité, etc.). Elles sont aussi appelées « polluants éternels ».

La présence de PFAS dans des captages d’eau utilisés pour la production d’eaux destinées à la consommation humaine (EDCH)

Elle peut notamment résulter de :

  • rejets de station d’épuration ;
  • rejets industriels de type : électronique, semi-conducteur, toners/encres, mousses anti-feux, cosmétiques, imperméabilisants des textiles-cuirs-tapis et emballages alimentaires, bains de placage électrolytique, nettoyants de surface métallique, de sols, vernis, cire, etc.
  • contaminations par des mousses anti-feux (à proximité d’aéroports, de dépôts hydrocarbures, de sites d’exercices incendies, etc.).

Le cadre réglementaire et sa mise en œuvre

Dans le cadre de la transposition de la nouvelle directive européenne relative à la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) [1] datant de 2020, la recherche de 20 composés perfluorés (PFAS) est rendue obligatoire, pour la 1ère fois, à partir de janvier 2026 lors du contrôle sanitaire opéré par les agences régionales de santé (ARS). Ce contrôle concerne l’EDCH (au robinet) et les ressources en eau prélevant dans des nappes d’eau souterraine ou des ressources superficielles (fleuve, rivière, lac, barrage) et qui sont utilisées pour la production d’EDCH. Plusieurs ARS intègrent d’ores et déjà progressivement ces 20 PFAS dans les paramètres du contrôle sanitaire ou dans des campagnes exploratoires locales, en lien avec la montée en compétences des laboratoires agréés.

Les nouvelles limites de qualité réglementaires européennes ont été anticipées par la France et sont entrées en application depuis janvier 2023. Elles permettent aux autorités locales de gérer les situations de présence des 20 PFAS dans les EDCH dans l’éventualité où elles auraient anticipé le suivi de ces substances dans le contrôle sanitaire des EDCH compte tenu du contexte local (suspicion de contamination par exemple). Ces nouvelles limites de qualité applicables sont de 0,1 µg/L dans l’EDCH (au robinet) et de 2 µg/L sur l’eau brute (à la ressource, avant traitement). Elles s’appliquent pour la somme de 20 PFAS.

Une nouvelle campagne exploratoire nationale en cours

La Direction générale de la santé (DGS) mandate régulièrement le laboratoire d’hydrologie de Nancy (LHN) de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) pour mener des campagnes nationales exploratoires sur des paramètres d’intérêt. Après avoir mené une première campagne sur les PFAS en 2010-2011 [2], le LHN de l’Anses a lancé une nouvelle campagne sur la période 2023-2026. 34 PFAS seront recherchés sur plusieurs centaines d’échantillons.

Pour chaque département, plusieurs points de prélèvements ont été sélectionnés : le captage avec le plus gros débit, un captage choisi aléatoirement, un ou plusieurs captages d’intérêt choisi(s) au regard du contexte industriel à proximité. Parmi les 34 PFAS, sont intégrés les 20 PFAS issus de la directive européenne, l’acide trifluoroacétique (TFA) et d’autres PFAS dits « à chaîne courte ».

Ces campagnes prospectives sur des paramètres encore peu connus – ce qui est le cas des PFAS « à chaîne courte » – permettent de développer et tester les capacités analytiques puis d’intégrer ces paramètres, si cela est jugé pertinent, en routine au contrôle sanitaire des EDCH et dans les expertises sanitaires menées par l’Anses.

Une connaissance des risques sanitaires via l’EDCH à préciser

S’agissant de la connaissance des risques sanitaires liés à la présence de PFAS dans les EDCH, elle reste encore parcellaire. La toxicité de ces composés pose question, certains d’entre eux étant classés cancérogènes pour l’Homme ou suspectés d’avoir des effets de perturbateurs endocriniens ou de perturber le système immunitaire (cf. les récents travaux de l’OMS) [3].

Afin d’améliorer la connaissance relative aux conséquences sanitaires des PFAS, et notamment lorsqu’ils sont présents dans l’EDCH, différents travaux sont menés pour apporter des éléments de réponse actualisés. Ainsi, l’Anses a été saisie par ses ministères de tutelle en novembre 2022 pour améliorer les connaissances sur les voies d’exposition et les conséquences sanitaires des PFAS dans l’environnement et sur la santé humaine. Des valeurs guides sanitaires dans les EDCH seront disponibles mi-2025. Le Haut conseil de la santé publique (HCSP) a également été saisi par la DGS en janvier 2024 afin d’éclairer les politiques publiques en termes de mesures de gestion adaptées en cas de présence de PFAS dans les EDCH. Dans son avis du 9 juillet 2024, le HCSP pointe notamment la nécessité de la fiabilisation des résultats analytiques, de la prise en compte des incertitudes analytiques, de la confirmation d’un signal, de l’intégration d’une valeur sanitaire cible pour les PFAS les plus préoccupants, de l’amélioration de la disponibilité des traitements de l’eau et d’une meilleure connaissance de la contamination des eaux embouteillées.

Au niveau européen, au regard des situations signalées par les Etats membres à la Commission européenne, celle-ci a mandaté en décembre 2023 l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour définir une méthodologie de priorisation des PFAS à enjeux sanitaires et pour établir des valeurs de gestion dans les EDCH, le calendrier de rendu de ces travaux n’est pas connu actuellement.

Les modalités de gestion des risques sanitaires liés à la présence de PFAS dans les EDCH

La gestion des situations de non-respect des exigences de qualité des eaux distribuées au robinet est très encadrée par la réglementation : elle repose sur l’appréciation, en particulier par l’Agence régionale de santé (ARS), de la situation et des risques encourus par la population. En cas de dépassement d’une limite de qualité, la personne responsable de la production et distribution de l’eau doit immédiatement informer le maire et les autorités sanitaires (ARS), procéder à une enquête afin de déterminer les causes du problème. Il doit également prendre toutes les mesures nécessaires pour rétablir la qualité de l’eau. En cas de risque pour la santé, l’exploitant en liaison avec l’ARS diffuse des recommandations d’usage à la population, en particulier aux groupes de population les plus sensibles. Selon les situations, il peut aussi recommander aux populations les plus sensibles de ne pas consommer l’eau pour l’alimentation ou pour l’hygiène quotidienne.

Dans ce cas, le préfet peut demander la mise en place de mesures de réduction des émissions de PFAS par les activités industrielles productrices au titre de ses pouvoirs de police des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et dans le respect des règles de cette police administrative, notamment l’obligation d’une approche proportionnée et soutenable sur le plan technico-économique.

L’évolution des connaissances scientifiques sur les dangers et les risques des PFAS permet de faire évoluer les mesures de gestion le cas échéant.

Les modalités de gestion spécifiques aux PFAS dans les EDCH sont précisées par instruction du ministère chargé de la santé aux ARS du 12 mars 2024. Cette instruction sera prochainement actualisée sur la base de l’avis du HCSP de l’été 2024.

Cas particulier : l’acide trifluoroacétique (TFA)

Le TFA ou acide trifluoroacétique est une substance perfluorée (PFAS) à très courte chaîne. Il est utilisé dans de nombreuses applications industrielles et pour la production de molécules fluorées et peut se retrouver dans divers compartiments de l’environnement (eau, air, sols, etc) par :

  • son rejet direct dans l’environnement ;
  • la dégradation de plusieurs milliers de PFAS rejetés dans l’environnement, dont certains gaz fluorés présents dans l’atmosphère ou certains pesticides fluorés utilisés en agriculture pour la protection des cultures.

Le TFA est classé comme PFAS selon la définition de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Toutefois, le TFA n’est pas inclus dans la liste des 20 PFAS de la directive européenne 2020/2184 et à ce jour, aucun laboratoire du contrôle sanitaire n’est accrédité pour l’analyse de ce paramètre.

La connaissance des risques sanitaires liés à la présence de TFA, à l’instar de l’ensemble des PFAS, dans les EDCH reste encore parcellaire, l’expertise scientifique de l’Anses en cours pour évaluer les risques sanitaires liés aux PFAS et proposer des valeurs sanitaires dans l’eau intègre le TFA. La Commission européenne a également sollicité l’OMS fin 2023 pour conduire une évaluation des risques sanitaires liés aux PFAS, dont le TFA, dans l’eau potable. Les résultats sont attendus en 2025.

La campagne exploratoire de l’Anses, laboratoire d’hydrologie de Nancy, intègre les PFAS dont le TFA et permettra de disposer d’une 1ère cartographie de la présence de TFA dans l’eau potable d’ici 2026.

Dans l’attente des travaux en cours de l’OMS et de l’Anses sur cette molécule, les mesures de gestion adoptées en Allemagne [4] en 2023 sur la base des données scientifiques disponibles peuvent être retenues :

  • utilisation de la valeur sanitaire indicative de 60 µg/L. Cette valeur correspond à une concentration tolérable à vie, dérivée scientifiquement, en dessous de laquelle, selon les données disponibles, aucun effet nocif sur la santé humaine n’est à prévoir ;
  • définition d’une trajectoire de réduction vers une concentration inférieure à 10 µg/L.

Autres actualités


En réponse aux préoccupations grandissantes concernant les impacts des PFAS sur la santé humaine et la biodiversité, le gouvernement a lancé, le 5 avril 2024, un plan d’action interministériel sur les PFAS. Ce plan d’actions organise la mobilisation de tous les acteurs publics pour réduire le plus rapidement possible les risques associés aux PFAS notamment ceux liés aux PFAS présents dans les eaux destinées à la consommation humaine.

Ce plan interministériel s’organise autour de cinq axes d’actions :

  • Axe 1 : Acquérir des connaissances sur les méthodes de mesures des émissions, sur la dissémination et les expositions
  • Axe 2 : Améliorer, renforcer la surveillance et mobiliser les données qui en sont issues pour agir
  • Axe 3 : Réduire les risques liés à l’exposition aux PFAS
  • Axe 4 : Innover en associant les acteurs économiques et soutenir la recherche
  • Axe 5 : Informer pour mieux agir

Communication

Pour plus d’informations locales, consulter les sites des ARS.



[1] Directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) (refonte)

[4] Acide trifluoroacétique (TFA) – protection de l’eau dans le domaine de la toxicologie, hygiène de l’eau potable et la minimisation des émissions, mise à jour du 20 octobre 2020.