La santé mentale et la psychiatrie constituent des priorités de santé publique. Face à l’urgence de la situation sanitaire, des orientations claires ont été prises pour soutenir la recherche fondamentale et clinique en psychiatrie.

1. Santé mentale et psychiatrie, des enjeux majeurs de santé publique et économique

Avec 20% de la population touchée par des troubles psychiatriques, une réduction de l’espérance de vie de 10 à 20 ans et un coût complet estimé à 109 Mds € en France, dont 22,5 Mds € de dépenses pour la seule assurance maladie, les maladies psychiatriques constituent pour la France un enjeu majeur de santé publique, avec un impact socio-économique très important [1]. Ces maladies représentent la première cause de handicap en 2020 en France comme dans le monde. Il importe de souligner que pour relever ce défi, la psychiatrie est aussi un domaine de recherche international dynamique et très compétitif, où de nouvelles solutions diagnostiques et thérapeutiques sont développées de façon continue.

2. Faiblesses et forces de la recherche française en santé mentale et psychiatrique

Au global, la recherche française en santé mentale et psychiatrie représente seulement 2 à 4 % du budget de la recherche biomédicale, ce qui est insuffisant au regard du fardeau social et économique, des enjeux nationaux et de la compétition internationale (Chevreul et al, 2012b) et comparativement aux autres pays développés (16% pour les USA, 10% pour la Finlande, 7% pour le Royaume-Uni, 6% pour l’Espagne…).

A ces constats s’ajoutent :

  • Une masse critique insuffisante de chercheurs statutaires et d’hospitalo-universitaires (2,4% du total des PU-PH) ;
  • Un déficit de formation de la nouvelle génération de chercheurs et de médecins (insuffisance des bourses de recherche et des postes d’accueil en laboratoires) ;
  • Trop peu d’appels d’offre dédiés à la recherche préclinique et clinique en psychiatrie (étude de cohortes, recherche de biomarqueurs, études des mécanismes étiologiques, études épidémiologiques…), mais aussi sur le sujet de l’organisation des soins (respect des droits, pair aidance, participation, …).

Pourtant, expression d’une recherche française de qualité, des résultats scientifiques et médicaux importants ont été obtenus en France ces dernières années dans de nombreux domaines de recherche : hypothèses immuno-inflammatoires et épigénétiques, épidémiologie, imagerie cérébrale, innovations thérapeutiques, neuropsychopharmacologie.

Le champ de l’évaluation des psychothérapies est également en plein essor avec, notamment, des innovations importantes en cours d’évaluation dans le domaine des psychothérapie dites « augmentées » lorsqu’elles sont couplées à l’administration de psychédéliques ou à des expositions en réalité virtuelle.

Des forces existent ainsi, capables de rivaliser avec les meilleures équipes au niveau international. Témoin d’une communauté scientifique en quête d’organisation, la recherche française s’est structurée en réseaux : Groupe de recherche en psychiatrie, Fondation FondaMental, Réseaux de centres d’excellence et de Centres experts, GIS Autisme et troubles du neurodéveloppement…

Une analyse récente de la Coordination nationale de la recherche clinique a permis d’établir que dans de nombreux domaines de la recherche en psychiatrie et en addictologie, la recherche française se situait en moyenne entre la 10e et la 15eplace au niveau mondial, en fonction des thématiques de recherche… globalement en progression depuis 20 ans mais en concurrence avec de nombreux pays qui progressent plus vite.

Des orientations claires ont été prises, notamment au moment des Assise de la santé mentale et de la psychiatrie de 2021 pour soutenir la recherche clinique et fondamentale en psychiatrie :

  • Développement des collaborations entre les organismes de recherche (Inserm, CNRS, CEA, INRIA, INRAE, Universités) avec les hôpitaux psychiatriques (hors CHU). En effet, ceux-ci ont été jusqu’à présent peu investis dans le domaine de la recherche. Ils représentent pourtant un potentiel de développement majeur pour les activités de recherche. C’est l’objectif des fédérations de recherche, liant les établissements universitaires et non universitaires pour des activités de recherche et de formation.
  • Reconduite de l’Appel à projet sur les Chefs de clinique adjoints (CCA) de pédopsychiatrie ;
  • Augmentation des contingents d’Hospitalo-universitaires titulaires en psychiatrie générale et pédopsychiatrie : 42 postes ont été créés en 5 ans depuis 2018, 12 postes ont été octroyés pour les 4 prochaines années en lien avec le MESRI ;
  • Création d’un compartiment « structuration de la recherche » dans le nouveau modèle de financement de la psychiatrie ;
  • Importante instruction DGOS relative au soutien de la structuration de l’animation territoriale de la recherche en psychiatrie et santé mentale visant à rapprocher les CHU et les centres hospitaliers non universitaires, dans chaque région, pour porter de projets de recherche (Instruction N° DGOS/R4/2023/37 du 30 mars 2023).
  • Création d’un Centre de recherche sur le cerveau de l’enfant à l’hôpital Robert Debré à Paris (40 M€) ;
  • Création d’un Institut de stimulation cérébrale au GHU Sainte-Anne (19,2 M€) ;
  • Mise au point d’un Programme et Equipement Prioritaire de Recherche (PEPR) – Propsy doté de 80 M€ et piloté par l’Inserm et le CNRS sur 4 des troubles les plus invalidants : troubles bipolaires, troubles dépressifs majeurs, schizophrénie et troubles du spectre de l’autisme ;
  • Numérique en Santé Mentale (19,9 M€) et Grand Défi en e-santé mentale (25M€ – France 2030). La recherche dans ce domaine est soutenue par la labellisation de 3 “Tiers-lieux d’expérimentation en santé mentale” et bientôt un deuxième.
  • Dans le même élan, les innovations organisationnelles et des pratiques sont fortement soutenues, à travers notamment le lancement chaque année depuis 2019, d’un appel à projet national « Fonds d’Innovation Organisationnelle en Psychiatrie ».
  • Il convient également de rappeler que la santé mentale et la psychiatrie constituent un axe prioritaire du PHRC National depuis plusieurs années.

Au total, la santé mentale et la psychiatrie constituent des priorités de santé publique. Sachant les synergies entre les activités de recherche et les activités cliniques, le contexte actuel est marqué par un engagement inédit du gouvernement et plus particulièrement du Ministère de la Santé dans ce domaine, ce qui constitue un premier niveau de réponse à l’urgence de la situation en termes d’attractivité de la discipline psychiatrique.


[1] (Chevreul et al, 2012a)