L’ordonnance n°2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine a introduit, dans le code de la santé publique et dans le code général des collectivités territoriales, le droit à l’accès à l’eau potable pour tous.

Le code de la santé publique précise désormais que : « Toute personne bénéficie d’un accès au moins quotidien à son domicile, dans son lieu de vie ou, à défaut, à proximité de ces derniers, à une quantité d’eau destinée à la consommation humaine suffisante pour répondre à ses besoins en boisson, en préparation et cuisson des aliments, en hygiène corporelle, en hygiène générale ainsi que pour assurer la propreté de son domicile ou de son lieu de vie ».

Cette ordonnance découle des travaux de transposition de l’article 16 de la directive 2020/2184 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine qui oblige les Etats membres à mettre en place des mesures en faveur de l’accès à l’eau, notamment en identifiant les personnes n’ayant pas accès à l’eau potable et les solutions alternatives à leurs dispositions, et en favorisant l’utilisation d’eau potable dans les lieux publics.

Le présent dossier s’adresse à tous ceux qui souhaitent en savoir plus sur l’accès à l’eau en France notamment aux professionnels de l’eau exerçant en collectivités, en leur donnant notamment accès à la réglementation en vigueur et aux moyens à leur disposition pour appliquer cette règlementation.

Contexte

En France métropolitaine, plus d’un million de ménages ont du mal à payer leurs factures d’eau : 1 210 000 locataires présentent des impayés de loyers ou de charges [1] .

99 % de la population a accès à un réseau d’alimentation en eau et 99,7 % des Français résidant en hexagone disposent de toilettes à domicile [2] , mais l’accès à l’eau potable et à l’assainissement demeure problématique pour :

  • 330 000 personnes vivant sans domicile [3] ;
  • 100 000 personnes vivant dans des habitats de fortune [4], dont presque 20 000 personnes dans des bidonvilles [5] ;
  • 208 000 « gens du voyage » subissant de mauvaises conditions d’habitat ou sans accès à une place dans les aires d’accueil aménagées [6] ;
  • 2 090 000 personnes vivant dans des conditions de logement très difficiles avec privation de confort [7].

Les territoires d’Outre-mer sont également concernés par cette problématique :

  • A La Réunion : 46 % des usagers sont alimentés par des réseaux qui ne garantissent pas une sécurité sanitaire satisfaisante [8] ;
  • A Mayotte : 31,7 % des familles vivent sans eau courante, 4 logements sur 10 sont en tôle6. La population mahoraise est fréquemment confrontée à des problématiques discontinuité de service avec des tours d’eau, également mis en place dans les Antilles (où des enjeux de pollution de l’eau sont également présents) ;
  • En Guyane : 15 à 20% de la population vit sans accès à l’eau courante dans son logement.

Une nouvelle obligation pour les collectivités en matière d’accès à l’eau

Au plus tard le 1er janvier 2027, chaque collectivité compétente dans le domaine de l’eau devra avoir procédé à l’identification des personnes mal, peu ou pas desservies en eau potable sur son territoire. Ce diagnostic devra être mis à jour régulièrement et au plus tard tous les six ans.

Puis, chaque collectivité compétente devra procéder à la mise en œuvre des solutions permettant l’accès à l’eau potable pour tous au plus tard trois ans après la réalisation du diagnostic territorial. Les solutions devront également s’accompagner d’une mission de promotion des possibilités d’accès à l’eau potable.

Accompagnement à la réalisation du diagnostic territorial

→ Les ONG membres et partenaires de la Coalition Eau, ont publié un guide méthodologique pour accompagner les collectivités dans la réalisation de diagnostics territoriaux sur l’accès à l’eau.

Le ministère chargé de la santé a été associé à la réalisation de ce guide qui a pour objectif de présenter les évolutions réglementaires induites par l’ordonnance et le décret relatifs à l’accès à l’eau destinée à la consommation humaine et d’accompagner méthodologiquement les collectivités dans le déploiement de cette nouvelle compétence.

→ La direction générale des collectivités locales met également à disposition sur son site internet des informations utiles aux collectivités dans l’application de leurs nouvelles obligations.

Boite à outils

La Coalition Eau met également à disposition sur son site une boîte à outils des politiques sociales de l’eau, afin d’aider les collectivités à identifier puis mettre en œuvre, avec leurs partenaires, les mesures adaptées à leurs enjeux et besoins propres.

Travaux mis en œuvre dans la région pan-européenne pour garantir l’accès à l’eau

En 2005, le Protocole sur l’eau et la santé est entré en vigueur, et les Parties de la région paneuropéenne se sont engagées à faire en sorte qu’« un accès équitable à l’eau, adéquat du point de vue aussi bien quantitatif que qualitatif, (soit) assuré à tous les habitants, notamment aux personnes défavorisées ou socialement exclues ».

En 2010, la reconnaissance du droit d’accès à l’eau potable et à l’assainissement comme un droit fondamental par l’Assemblée générale des Nations Unies et le Conseil des droits de l’homme, fortement soutenue par la France, a confirmé l’obligation des Gouvernements à garantir la disponibilité, la salubrité, l’acceptabilité et l’accessibilité physique et financière des services d’approvisionnement en eau et d’assainissement, pour tous et sans discrimination.

Les membres du Protocole ont élaboré en novembre 2013 l’outil d’évaluation relatif à l’équité en matière d’accès (Equitable Access Scord-card) pour aider les gouvernements (aux niveaux national, régional et municipal) et d’autres parties prenantes à établir une mesure de référence de l’équité en matière d’accès à l’eau et à l’assainissement, ainsi qu’à identifier les priorités associées, discuter des mesures supplémentaires à prendre et évaluer les progrès grâce à un processus d’auto-évaluation. Depuis lors, l’utilisation de cet outil pratique par les pays paneuropéens s’est largement répandue en se concentrant sur quatre dimensions : le cadre de gouvernance, les disparités géographiques, les groupes vulnérables et marginalisés, et l’accessibilité financière. À ce jour, 14 pays de la région paneuropéenne utilisent la fiche d’évaluation : l’Albanie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Belarus, la Bulgarie, la France – le grand Paris, la Hongrie, la République de Moldova, la Macédoine du Nord, le Monténégro, le Portugal, la Serbie, l’Espagne – la ville de Castello, et l’Ukraine.

Mis à jour en 2024, cet outil prend désormais en compte les enseignements tirés de l’application de la première version de l’outil dans la région paneuropéenne, ainsi que sur les défis posés par les situations d’urgence, telles que la pandémie de COVID-19 et les phénomènes météorologiques extrêmes liés au climat. La publication de l’outil actualisé contient des recommandations sur la planification de l’auto-évaluation et des exemples concrets des avantages de l’utilisation de cet outil dans différents contextes.